30 Sep
La sexualité dans la littérature jeunesse, où poser la limite?

La sexualité dans la littérature jeunesse, où poser la limite?

Récemment dans un article paru (entre autres) dans le journal de Montréal, on questionnait le fait que des élèves du primaire aient accès à des livres « sexuellement explicites ». Même si j’ai pu m’exprimer dans le cadre de cet article, j’ai eu envie d’étoffer mon propos et plus précisément, de le nuancer.

Dans une société où la sexualité est omniprésente, où on en parle beaucoup, mais superficiellement, c’est à mon avis une bonne idée de se questionner sur ce qui est indiqué ou pas selon l’âge des enfants. D’abord, lorsqu’on parle de « passages sexuellement explicites » est-ce qu’on parle de la description détaillée de pratiques sexuelles ou est-ce qu’on décrit les premiers émois amoureux, sexuels d’adolescent(e)s qui se questionnent, hésitent, réfléchissent en lien avec ce qu’ils vivent?? Entre les deux il y a un monde de possibilité, et ça serait bien simpliste de tout condamner.
Comme c’est le cas pour la majorité des sujets, les enfants se construisent (en partie du moins) en fonction de ce à quoi ils sont exposés. C’est d’ailleurs un des problèmes avec l’hypersexualisation. En étant de plus en plus tôt exposés à des images sexuelles que les jeunes n’ont pas la capacité de gérer adéquatement par manque de connaissances, mais aussi par manque de maturité, on observe une modification de leur perception de la sexualité et (chez certains) de leurs comportements.
Si on a raison de se sentir interpelé, de réfléchir à ce qui se passe actuellement, ce n’est pas une bonne idée de s’alarmer et de tout condamner du même souffle. La solution n’est certainement pas de ne plus parler de sexualité. Un piste intéressante réside plutôt dans le questionnement suivant : de quelle façon parler de sexualité? Qu’est-ce qu’on a envie de véhiculer comme sexualité? Qu’est-ce qu’on souhaite? Si on se tait, on perd l’occasion de faire contrepoids à ce qui est présent. Sachant qu’on ne pourra jamais faire en sorte que nos enfants ne soient pas en contact avec aucune représentation de la sexualité, pourquoi ne pas, au contraire, offrir un discours adéquat, cohérent, complet, porteur de sens?
Il y a une énorme différence entre parler de pratiques sexuelles décrites froidement et discuter de sexualité en général, de contexte, de sentiments, d’émotions, de sensations. Si l’on propose une vision unidimensionnelle qui n’implique que le corps, on peut s’attendre à ce qu’un enfant, un ado ou même un adulte développe une sexualité limitée, rigide, répétitive. Par contre, en incluant un maximum d’enjeux, de questionnements, de réflexions, de connaissances, on maximise les chances de développer une vision éclairée de la sexualité et, puisque c’est l’un des objectifs, de faire des choix qui mèneront plus probablement à une sexualité épanouie, amusante, agréable !!
Pour en revenir au sujet à l’origine de ce billet : doit-on interdire certaines lectures aux élèves du primaire? S’il est sage de réfléchir à ce qu’on leur offre comme choix de lecture, on ne pourra jamais tout interdire. Pourquoi ne pas les accompagner dans leurs lectures? Les aider à réfléchir sur ce qui les met mal à l’aise, sur ce qu’ils aiment? Leur demander comment ils se sentent? Pourquoi ne pas les outiller en leur permettant d’acquérir des connaissance et des réflexions non pas sur les pratiques sexuelles rigides et froides mais sur la sexualité dans son ensemble? C’est ainsi qu’ils pourront développer un sens critique, apprendre à se connaître et ainsi être capable de se positionner face à tout ce qu’on ne pourra pas leur empêcher de lire et de voir tout au long de leur vie.
Parution originale le 22 janvier 2014